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Le dépit d’un patron du BTP et grand collectionneur gazaoui dont le musée a été victime de la guerre

« Ici, c’est le musée. Détruit. L’image suivante, c’est le musée avant la guerre. Ici, c’est le jardin, détruit… Le jardin avant la guerre… Là, ma maison… » Souffle court, la gorge nouée, Jawdat Khoudari fait défiler une partie de sa vie. « Trente ans, voilà tout ce qu’il reste. » Soit un amoncellement de gravats. Sur des images que lui a transmises un proche, en février, un ouragan de feu semble avoir emporté le hall d’Al-Mathaf – « le musée » –, son œuvre. Le sort de ses statues antiques, pièces de monnaie, vases, témoins de la très riche histoire de la bande de Gaza, est inconnu depuis sept mois.
Près du camp de réfugiés d’Al-Chati, face à la mer, dans le nord du territoire palestinien, le septuagénaire avait bâti une oasis de dizaines de milliers de mètres carrés abritant un hôtel et, surtout, une collection d’objets témoignant du patrimoine millénaire de la bande de Gaza : colonnes byzantines, amphores, sarcophages, vaisselles de l’âge de bronze et figurines hellénistiques étaient exposés dans des vitrines en bois ou dans le jardin de sa demeure. Or, c’est précisément par le nord de la bande de Gaza qu’a débuté l’offensive israélienne après l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023. Les troupes de l’Etat hébreu ont occupé Al-Mathaf pendant deux mois, entre décembre et février, comme en atteste une vidéo diffusée par des soldats avant de s’en retirer. Les lieux ont été détruits entre-temps.
« J’ignore si ma collection a été pillée. Mais ce qui est sûr, c’est que la plupart des objets exposés ont disparu. Ont-ils été détruits, enterrés, volés ? Je ne sais pas. En décembre, j’ai dû quitter le Nord pour aller vers le sud, en direction de Rafah, comme tous les habitants. Quand je suis parti, l’armée occupait déjà le musée et ma maison », raconte-t-il. De Rafah, il parvient à gagner l’Egypte au début de l’année.
« Ce qui est arrivé à mon musée et à mon jardin est à l’image de ce qui est arrivé à tout le territoire. Ces destructions ne sont pas la conséquence d’une guerre, mais la conséquence d’une volonté de tout détruire », accuse-t-il, de passage à Paris, mi-septembre, invité par le Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris pour une conférence sur le patrimoine gazaoui. Homme d’affaires, héritier d’une vieille famille de propriétaires terriens, Jawdat Khoudari s’était mué en collectionneur, archéologue amateur et directeur de son propre musée. Le projet d’édification d’un musée archéologique officiel, bâti grâce à des fonds internationaux, est, lui, resté dans les limbes depuis la prise du pouvoir par le Hamas dans la bande de Gaza.
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